Prophésie
pour l'avénement
d'une
Humanité Nouvelle
I Cest un vent de folie qui souffle sur le Monde, Et qui déjà sagrippe à la chair, immonde Et laide comme ce jour qui point à lhorizon : Oeuvre dun être entre tous doué de raison : LHomme, aux mille caprices, aux mille vanités, Et qui tient de sa bouche lunique Vérité ! II « Cette Vérité quau dessus de ma tête Chaque homme brandit comme une arme secrète, Et au nom de laquelle il se croit tout permis : Voler ! Piller ! Tuer même son ennemi, Et sortir du combat splendide et grand Vainqueur, Soctroyant les honneurs dun Grand Homme de Coeur ! »
III Mais déjà, Celui quil avait laissé pour mort, Dans sa folle suffisance, -ironie du sort ! - Surgit et se dresse devant lui, horrible, Si prompt quil ne peut parer le coup terrible Et alors, dans son impitoyable splendeur, Tout à coup tirée des plus hautes profondeurs, Enfin parait devant ses yeux, le laissant blême, Lultime Vérité : la Vérité Suprême, Sans lombre dun appel, sans lombre dun remords, Qui a revêtu lhabit sombre de la mort ... IV A présent, commence lultime et vaine bataille : LHomme que la mort de tous les côtés assaille ! « Ô Homme ! Que reste-t-il donc de tant de richesses, Jour à jour amassées par de viles prouesses, Et qui firent de toi un grand roi sur la Terre, Mais quaujourdhui limplacable destin atterre ? Et cette gloire que les hommes tavaient faite, Quest-elle au jour de linévitable défaite ? Car en ce jour, nulle gloire ou nulle richesse Ne saurait te tirer de limmense détresse En laquelle les affres de la mort, infâmes, Le gouffre de Néant ont fait plonger ton âme... Cest seul et dans ta plus complète nudité Quil te faut maintenant lennemi affronter Et alors seulement, tu connais cette Peur, Et rempli dépouvante, et saisi de stupeur, Tu sens monter en toi cette affreuse panique Ton coeur enfin connaît sa première supplique ! » V Te voici, Homme, juché au bord du précipice, Et voilà que commence leffroyable supplice... Toi que pour la première fois la douleur afflige, Te sens-tu soudain pris du plus grand des vertiges... Déjà par le Monstre te sais-tu emporté Dans le gouffre sans fond, et lesprit révolté, Usé, dans un suprême et inutile élan, Tu résistes, mais en vain ! Vois : cest le Néant ... VI « Le Néant ! Qui donc ose parler de Néant ? Je suis La Mort ! cest Moi le maître de céans ! Et que nul ne sabuse : de Néant, il nest point ! Cela nest que chimère enfantée avec soin, Afin de concevoir enfin linconcevable, Par lesprit humain en sa tourmente ineffable... LEternité... Tu as voulu lEternité ! Regarde devant toi : tu as lEternité ! Car Eternité est un autre de mes noms ! Vois ! Regarde-moi ! Ai-je encore tant de renom, Quà mes pieds tu déposerais mille présents ? Suis-je toujours si désirable à présent Que me voici là, dévêtue, moffrant à toi Ainsi le ferait une femme en doux émoi ? Viens ! Allons, viens ! Prends-moi ! Je serai bonne Amante ! Eternité je Suis, Eternité jenfante ! Naie pas peur ! Viens plus près ! Regarde Mon Domaine ! Cours, si tu le peux ! Cours jusquà en perdre haleine : Sans limites, il sétend par delà lhorizon Bien plus loin que ne peut le saisir ta raison ! Regarde ces plaines qui courent à linfini, Peuplées dâmes damnées que lEsprit a bannies : Les Plaines de lOubli ! Ainsi se nomment-elles ! Vois !... Entends-tu comme déjà elles tappellent ? Bientôt, elles seront ton unique demeure, Tes fermes geôlières, car en Toi lEsprit se meurt ! » VII « Et tu seras pareil à ces âmes sans corps, Qui tournent, qui tournent, et qui tournent encore En la Grande Ronde des Ombres de La Mort, Et chantant, et dansant les hymnes à La Mort ! » VIII « Regarde ! Regarde ces âmes démentes Qui ont la Nuit Eternelle pour Amante, Dont certaines sont là depuis plus de mille ans ! Dautres encore y sont depuis la Nuit des Temps ! Ecoute leurs voix ! Entends ce quelles te disent ! » IX Elles te disent, en leurs chants qui se divisent : « Viens avec nous, pour La Mort, notre Maîtresse, Chanter lHymne qui transporte dallégresse !... Vois comme lon danse ! Entre dans la Ronde, Des Ombres de La Mort, léternelle Ronde ! Viens ! Nous tapprendrons, afin de ne plus souffrir, A ne plus penser... Viens, car nous pouvons toffrir Si tu le veux, les mille objets de tes désirs, Inventés pour ton seul et unique plaisir... Nous te ferons goûter les mille voluptés Tout droit nées de la chair, qui peuvent sadapter Aux mille caprices de ta seule volonté, Et combler ton corps enfin libre et éhonté !... Viens avec nous, et tu découvriras encore Toutes sensations inconnues jusques alors... Car nous allons toujours plus haut, toujours plus vite ! Viens ! Ecoute nos Voix qui ensemble tinvitent... Nous saurons te mener aux sommets les plus hauts, Te montrer tous les paysages les plus beaux... Viens avec nous ! Car nous pouvons te le promettre De lUnivers enfin bientôt seras tu maître ! » X Ainsi donc, dans la Nuit elles tappellent ces voix, Qui des Ténèbres sans fond célèbrent la voie Toi, pareil au métal attiré par laimant, Dans la Nuit tu avances irrésistiblement ; Et bientôt déjà au comble de linconscience, Tu te dis pour finir : le Grand Homme de Science ! XI « Ô Âme insensée quaveuglent les Ténèbres ! Déjà dans le lointain parait ce jour funèbre, Lui qui de ta folie bientôt verra la fin ! Et malheur alors, malheur à Toi qui as faim De toujours et encore un peu plus de matière, Toi qui règne, toute puissante, si altière, Sur la grande armée des âmes indécises ; Ces âmes qui toujours se plaignent, et qui disent : Allons... Car ceci est lordre de lUnivers... Nul nest responsable si tout va de travers... » XII « Oh ! Bientôt malheur à vous, âmes insensibles Qui de misère humaine avez fait votre cible ! Vous qui de haine et de sang toujours assoiffées, Des titres les plus nobles osez vous coiffer ! Car déjà se lève le Vent de La Colère Qui fera de votre Navire une Galère ! Et bientôt se fera sur vos têtes impies Que sans cesse et toujours la Providence épie, Ferme, Inébranlable : la Justice Divine Qui sans pitié laissera vos âmes mesquines Aux tourments infinis du feu de la géhenne !... Alors, il faudra tuer le Lion dedans larène ! » XIII « Relevez-vous, Hommes de toutes les Nations ! Car voici le temps des Grandes Tribulations ! Déjà sélèvent de vos villes monstrueuses, Acres et suffocantes, noires et tortueuses, Qui saturent latmosphère, qui le vicient, Vouant tout être sur la Terre à lasphyxie, Prémices de la mort : ces infâmes fumées Plus terribles encore que toutes vos armées ! Déjà pourpre du Sang des crimes perpétrés, Et sombre des déchets à Elle incorporés, Leau ! Oui leau ! Pourtant votre sève nourricière Coule maintenant plus infecte et meurtrière Que larme chimique née de votre génie : Lui qui toujours à tout détruire singénie ! Déjà où que puisse se poser le regard, Il ne soffre à lui que le spectacle bâtard Dune Terre complètement dégénérée, Envahie par la pourriture et délabrée ! Où quil aille le pied baigne dans la fange, Et bois et forêts débordent de vidanges ! Ce nest plus çà et là quimmondices en tas, Nauséabonds, en lesquels se perdent les pas » XIV « Relevez-vous Hommes de toutes les Nations, Pour éloigner cette grande malédiction ! Car déjà dans le lointain sonne le glas, De la Grande Babylone clamant le trépas ! Rappelez-vous Sodome ! Rappelez-vous Gomorrhe ! Faudra-t-il que lhistoire se répète encore ? Faudra-t-il encore que dans le Feu et le Sang Enfin sachève ce vacarme assourdissant ? » XV Relevez-vous, Hommes de toutes les Nations, Pour éviter la Ruine et la Désolation ! Réveillez-vous, car il est temps encore, Avant que nait surgit le spectre de La Mort ! »
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XVI
Alors même quau plus fort de la tempête, demandant
grâce le coeur chavire,
Plus pointue que laiguillon, plus tranchante que le glaive,
Du plus profond de lêtre surgit La Voix,
Tonnant parfois dans sa colère,
Parfois pleurant dans sa misère : |
XVII
«Je tenvoie Mon Messager, Mais tu assassines Mon Messager ! Ô Homme ! Pourquoi donc tes-tu tant acharné à travers les siècles et les siècles A perpétuer limage du Supplicié ? Pourquoi si ce nest que tu sais quil est Mon Messager, Ma Lumière dans tes ténèbres ? Mais tu plains Mon Messager... Pourquoi plains-tu Mon Messager ? Ne plains pas Mon Messager, car cest toi qui lassassines ! Et cesse de parler de Mon Messager : ton unique devoir est de lécouter parler !» |
XVIII
Je nai que faire de tes fausses religions
Faites dapparat et de feinte communion
Car à mes yeux, linnocence dun coeur denfant
Vaut mieux que tout ton faste vile et triomphant ! »
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XIX
« Ô Homme !
je te fais don du trésor inestimable, inépuisable de la Vie ;
Mais par orgueil tu le refuses !
Je toffre les hauteurs vertigineuses de lEsprit !
Mai tu préfères te perdre dans les ténèbres de loubli,
Dans le néant de ta matière ! »
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XX « Homme ! Je tai donné des yeux pour me voir Et pour me contempler ;
Je tai donné une ouïe pour mécouter Et pour mentendre ;
Je tai donné une bouche pour me goûter Et pour maimer ; Un Verbe pour me louer ;
Je tai donné des mains pour me toucher Et pour maimer ; Des bras pour membrasser ! »
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XXI
« Quas-tu fait de tes yeux ?
Quas-tu fait de tes oreilles ?
Quas-tu fait de ton Verbe ?
Et de tes mains ?
Quas-tu fait de tes mains ? » |
XXII « De tes yeux tu as fait un outil à contempler lhorreur ! Tu as fait du bruit sourd des canons les délices de tes oreilles, Et ta parole est venimeuse comme lhaleine dune vipère ! Tes mains, Homme, Tes mains
sont celles dun assassin ! » |
XXIII « Ô Homme ! Je tavais donné un beau Jardin dEden, Où coulait à même la roche Une Eau Claire et Vive; Je tai donné la Terre, Avec ses plaines si fertiles Et ses déserts sauvages ; L'eau y a prit la couleur glauque de la haine qui coule dans tes veines ! Les terres fertiles sont devenues arides, Et les déserts sauvages ne sont plus que des champs de batailles ! » |
XXIV
« Je tavais donné lor de la Terre Pour que tes doigts y sculptent la Vie
Quas-tu fait de cet Or ?
Un vil métal que tu entasses dans des coffres soi-disant forts ! »
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XXV « Ô Homme ! Je regarde la Terre et contemple le triste spectacle :
Mes Filles et mes Fils Enchaînés et réduits à lesclavage !
Ô Homme ! Toi que javais fait Seigneur sur la Terre !
Etait-ce donc pour cela ?
Etait-ce donc pour te voir pis que bête ? »
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XXVI
« Homme !
Tu es lartisan de ta souffrance !
Tu te fais lesclave de ta propre création !
Et ta création, qui ne connaît pas le sentiment,
Que fait-elle de toi ?
Elle te détruit ! »
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XXVII « Homme ! Je tai fait libre et maître de ton destin : Tu peux te détourner de moi ! Mais tant que tu vivras, Tu me chercheras : Car au plus profond de tes gènes, Jai inscrit MA LOI ! »
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XXVIII
« Homme !
Regarde-moi !
Reviens à la Voix de Ma Raison
Qui est la loi de lUniversel Amour !
Une fois encore je toffre lAlliance ! »
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XXIX « Mais que cesse linjustice ! Que le grand se mette au service du petit ! Que le Pain soit partagé dans léquité ! »
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XXX «Je te dévoilerai alors La Source Unique de la Vie, La Loi Parfaite de la BioLogie ! Et ta terre à nouveau Sera fertile ! Leau à nouveau coulera Claire et Vive ! Je te revêtirai de ton corps immortel Et tu regarderas pousser ton blé ! Et ton blé aura Sept épis : Du nombre de ta souffrance ! »
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XXXI
« Que ta Science, Homme,
Se résume en la Science du Partage qui Unit !
Et tout cela
Je te donnerai ! » *
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XXXII
« Heureux les Humbles et les Doux, Car ils auront La Terre en héritage ! »
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XXXIII
Apaisée enfin La Voix sévanouit dans le silence ; Et Le coeur reste pantois, Anéanti presque, Mais palpitant pourtant, Portant en Lui lEspoir Suprême Du retour à La Vie... |
XXXIV Ô Liberté ! Liberté ! Liberté ! Ô Nectar, poison mortel et Délicieux ! Ambroisie, nourriture des Dieux ! Faudra-t-il mourir toujours Pour sapercevoir que nous nétions pas nés Et découvrir enfin Que nous ne sommes toujours pas nés ? La vague lointaine Infiniment sapproche Bordée décume et de remous Ainsi lâme de lHomme Brisée dAmour et de Remords Sur les sables mouvants de linfini Epanche son eau Sétalant toujours plus à travers les marais de lincertitude En voulant épouser la forme de linfini ! Ô mon Ame ! Où es-tu? Il y a si longtemps que je te cherche ! Ô mon Ame ! Viendras-tu pour de fidèles épousailles ? Déjà monte le chant de mes entrailles Qui par delà le Mont des Solitudes Franchit lOcéan de la Certitude Et me Jette à la Source de La Vie ! Ô mon Ame ! Quelle est donc cette fièvre qui soudain menvahit ? Et ces douces couleurs qui se profilent à lhorizon, Est-ce le Jour à nouveau qui se meurt ? Ou bien est-ce enfin laube du Jour Nouveau ? Est-ce enfin le Poisson qui met bas le Verseau ?
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XXXV
Au point ultime du jour,
A nouveau retentit La Voix,
Ivre de colère et dAmour :
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XXXVI « Tu te donnes la mort par paresse ! Or cela, je ne le tolérerai plus ! Et voici, Homme : Je te proclame immortel en dépit de toi-même ! Souviens-toi : « En ce temps là, ils voudront mourir Mais ils ne le pourront pas ! » Homme ! Je te lai dit déjà : Tu es la cause unique de ta souffrance ! Et moi, indolent au feu de ta misère, Je te regarde faire ! Mais sil te plait de les contempler à linfini Ces champs de la désolation, Il test donné quand tu le veux De porter les yeux sur MOI Qui SUIS ta guérison ! »
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« Je Suis lAmour et le Partage ; Je Suis un Fou, Je Suis un Sage ! Je Suis le papillon qui vole Au gré du vent, mais non frivole !
Je Suis la brise du matin, Légère, aux brumes de Satin, Douce caresse parfumée Goût du souvenir exhumé...
Je Suis le Soleil Eternel Qui fait tous êtres fraternels Qui toujours égal à lui-même Ne sait que proclamer : « Je taime ! »
Je Suis... Je Suis un champ de blé Que mûrit le feu de lété ! Que la Main viendra moissonner, Main que le coeur a façonné !
Et la Nature est économe : Cinq épis reviennent à lHomme ! Un épi pour lêtre diptère ; Lautre épi retourne à La Terre...
Je Suis... Oui ! La blanche farine, La pâte au creux de la terrine ! Et Je Suis la Main qui pétrit ! Levain : du Pain Je Suis lEsprit !
Je Suis une Onde murmurante, Intarissable et vivifiante ! Le Sang précieux et incolore Des Univers multicolores !
Je Suis le regard de lEnfant Qui sémerveille en séveillant ; Lâme que la Beauté ravit ; Infiniment : Je Suis La Vie !
Je Suis un Fou, Je Suis un Sage : Je Suis lAmour et le Partage ! »
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